Spoilers.
Comme les quelques autres films philippins que j’ai vus de la période, Three Godless Years semble bénéficier, malgré son sujet des plus sérieux (un drame historique sur l’occupation japonaise), de l’influence massive du cinéma de genre et bis. Le film en reprend les situations crues et amorales (la fille violée tombant amoureuse de son violeur), mais aussi les images rituelles, archaïques ou mentales (la ronde des femmes aux ciseaux) dont l’outrance donne toute la mesure des choix impossibles, et du dérèglement humain, qui caractérisent un temps de guerre.
Pourtant, contre les principes mêmes du cinéma de genre, et contrairement à tant d’œuvres décrivant la traversée des enfers d’un pays en guerre (Apocalypse Now, Requiem pour un massacre…), Three Godless Years rechigne à mettre ces horreurs au centre du film, les reléguant pour la plupart dans les images d’archives. Tout est à l’image de ce premier bombardement elliptique, résumé à ses lueurs éclairant des moments épars de terreur dans la maisonnée : une horreur par détours, et par l’intime. Le film n’a jamais besoin d’un tas de morts, ni de tortures, pour faire ressentir les tourments intérieurs et les déchirements de cette “période sans dieu”.
La dernière partie, qui laisse plus volontiers cours à cette violence (quoique là encore ellipsée : on ne verra par exemple pas la mise à mort de l’héroïne), et qui essaie de racheter la foi de ses spectateurs, n’est pas forcément ce que le film a de plus brillant. Voir tous ces gens qui viennent de commettre un massacre dans l’après-midi se rassembler à l’église, sur les lieux même du crime, pour prier leur Dieu une bougie à la main, est une image qu’on a du mal à vivre, au corps défendant du film, autrement que comme une terrible et ironique hypocrisie.
Il est plus généralement difficile de juger Three Godless Years sur son positionnement politique, de faire le tri entre ce qu’il conforte ou confronte du récit officiel la période (au-delà des larges incompréhensions dues à mon inculture historique). Tout est ambigu, de l’image de l’envahisseur japonais à celle du guérillero résistant, en passant par celle de l’Américain (un colon comme un autre ?). Même pour un film se focalisant sur le drame des femmes tondues, Three Godless Years semble particulièrement conciliant avec l’occupant nippon, ne peignant pas un seul guérillero (l’amoureux excepté) autrement que comme un sadique… Impossible pour moi de comprendre ce que tout cela révèle, mais il sourde dans le regard du film quelque chose de trouble qui le rend, à mes yeux, encore plus fascinant.
Tatlong taóng walang Diyos en VO.
Parfois traduit Trois personnes et trois ans sans Dieu en VF.