May December Todd Haynes / 2024

Pour préparer son nouveau rôle, une actrice célèbre vient rencontrer celle qu’elle va incarner à l’écran : une femme ayant épousé un garçon de vingt-trois ans son cadet, leur relation ayant débuté alors qu’il était jeune adolescent…

Légers spoilers.
 

May December, aussi bien mené soit-il, souffre de deux vices de conception.

Le premier tient à ses deux personnages féminins : pas un moment de vérité n’émane de l’actrice (fausse, superficielle, intéressée) ; et pas un moment de fragilité n’émerge du modèle, dont chaque geste suggère la folie ou la manipulation (même les moments de pleurs, qui sont des moments de crise, font système avec la façon dont son mari doit s’y plier). Aussi compétentes soient les deux comédiennes sur cette partition fielleuse, qu’elles ont par ailleurs déjà maintes fois visitée (impression, notamment, que Portman ne sait plus qu’enchaîner ce genre de rôles aigres, qui vont de pair avec son inquiétante maigreur), les scènes qui les réunissent, digest de toutes les politesses et sourires de surface qui font l’ethos États-unien, n’en sortent pas franchement passionnantes : il n’y aucun enjeu à voir échanger deux personnalités toxiques.

L’autre problème majeur, c’est que comme trop souvent, Haynes est plus intéressé par ses jeux de miroirs, de distance, de métaphores papillonnes ou de mises en abyme du jeu d’actrice, que par ce et ceux qu’il filme. Or sur ce plan labyrinthique et méta que le cinéaste ambitionne en priorité, le film est assez peu captivant, tour à tour balourd et peu mystérieux. L’utilisation de la musique sur-dramatique de Legrand par exemple, loin d’accompagner un malaise, semble avant tout occupée à surligner le caractère soap-opéra et chiqué du récit, à exprimer une distance : de malaise réel, il n’y en aura pas.

Que reste-t-il, alors, sinon la mise en œuvre compétente d’un drame psychologique (qui se tient certes très bien) ? Il reste le mari, et ses enfants. Potentielles victimes, ils ouvrent une porte à l’expérience intime de cette situation, en soi tout à fait intéressante. L’obligation pour chacun de se positionner, à ce moment-clé de leurs vies (le départ des enfants), leur capacité à composer avec cette situation de couple, la manière dont leur quotidien et sa routine (comme tous aveugles à l’absurde de la situation) se débat avec un retour de lucidité sur ce qui s’est joué il y a vingt ans… Les meilleures scènes du film sont là, et l’on se dit qu’on n’avait franchement ni besoin de l’actrice, ni de sa visite, pour faire un film passionnant – qui n’existera donc ici qu’à l’état de bribes.
 

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