Quelques spoilers.
Il est difficile d’entrer en bonnes dispositions dans ce film, tant son carton d’introduction est détestable. Se targuant de montrer la vie des petites gens au contraire du reste de la production (une prétention hautement discutable, quand bien même les années 10 étaient dominées par un cinéma bourgeois), l’intertitre s’empresse de préciser que ces pauvres gens sont comme des enfants, et qu’il faut donc faire un effort pour comprendre leur comportement, qui n’est évidemment pas le nôtre. On est zoo : rarement l’intérêt charitable pour les prolétaires aura aussi spectaculairement révélé le mépris de classe paternaliste dont il est l’habit.
De fait, l’acteur jouant le facteur interprète son personnage comme un attardé mental, ce qui donne libre cours à des postures tordues, ou arrêtées en suspension, comme le cinéma expressionniste allemand les affectionnait tant (expressionnisme qu’on retrouve pour le reste surtout au travers des décors de Paul Leni, très réussis). Le film a malheureusement peu de personnalité au-delà de sa vision du monde absolument sinistre : l’absence de dramaturgie forte (revendiquée comme un réalisme), et la lenteur généralisée, associées à une vision médiocre des relations humaines (on nage en plein fantasme d’incel : si son copain la quitte et que tu es gentil avec elle, elle voudra bien coucher avec toi), aboutit à une sorte d’académisme d’avant-garde pas très palpitant. C’est peu de dire que l’actrice, qui par son seul jeu structure et donne du relief à bien des scènes, porte le film à bout de bras.
Jessner sauve néanmoins les meubles par son choix avisé de ne pas trop s’étendre (c’est un moyen-métrage), et surtout par un final fulgurant, pour le coup marqué par de vraies idées de cinéma (cette cour si longtemps vide aux fenêtres soudain pleines par l’odeur du scandale alléchées, l’image mentale du meurtre accompli) – idées qui finissent, in extremis, par emporter le morceau.
Hintertreppe en VO.