Ce film est partout vendu pour ses vertus subversives, sur un mode “le saviez-vous” (premières scènes de nudité, premier orgasme féminin a l’écran). Et c’est assez dramatique car il est beaucoup, beaucoup plus que ça.
En fait, on pourrait même dire qu’il n’est pas ça du tout : ce qui frappe ici, c’est d’abord toute une érotique de l’allusion et de la dissimulation, voire une certaine décence. Film parlant, Extase fait appel à toute une énonciation issue du cinéma muet : le film se raconte en une succession de scènes sans dialogues où ce sont les choses muettes qui parlent – les décors, les objets, les éléments naturels (et ce quelques soit la scène d’ailleurs, sexuelle ou non ; voir par exemple le passage de la mouche). À travers ces procédés, c’est toute une énonciation métaphorique, métonymique, symbolique, qui est convoquée pour se confronter à la sexualité, maniant ce sujet brûlant comme le ferait une fable. Cela met à la fois le scandale à distance (quel meilleur moyen qu’un poème pour éviter le choc frontal ?), autant que cela confère au film une certaine rondeur, un côté presque enfantin.
Cette manière aboutit à un ensemble qui touche tant par son idéalisme pastoral (là encore bien loin des provocations sexuées attendues), que par la manière dont chaque personnage s’y retrouve peint en innocent, visage ouvert et sans calcul, abordant la question des passions et du désir (jalousies, dépression, plaisirs) avec la candeur d’un enfant. Si l’on excepte une fin un peu foireuse, trop portée à ressasser les montages savants des années 20, Extase est donc un beau film, à la virtuosité certaine.
Extáze en VO. [extrait]