Dahomey Mati Diop / 2024

Novembre 2021 : vingt-six trésors royaux du Dahomey, pillés en 1892 par les troupes coloniales françaises, s’apprêtent à quitter Paris pour être rapatriés vers leur terre d’origine, devenue le Bénin…

Léger spoilers.
 

Avec Dahomey, Mati Diop poursuit la ligne esthétique débutée avec Atlantique : un fantastique économe naissant au cœur de la nuit, par le mariage de forces ancestrales et d’une Afrique pleinement réaliste et moderne – un grand écart qui s’incarne, peut-être involontairement, dans cette voix-off tout droit sortie des siècles passés (à la première personne, archaïque, caverneuse), et qu’on sous-titre pourtant à coups de “iels” et de points médians.

Si Mati Diop parvient bien à faire basculer notre point de vue, et à mettre en scène ce face-à-face entre un peuple et son art, son film paraît tout de même forcer le format long-métrage (il ne dure qu’1 h 08), laissant souvent l’impression d’un remplissage, d’un alignement de coquetteries (formelles, fantastiques, oniriques) venant broder autour d’une occasion en or (ce retour des œuvres) que la caméra ne pouvait pas laisser passer, mais qui n’offre pas assez de matériau pour faire un film. Le fait que le long débat des étudiants ait été initié et organisé par la cinéaste en est le symptôme le plus visible…

D’autant qu’un autre flottement habite le film : celui d’être une œuvre sinon de commande, du moins semi-institutionnelle1, “film officiel” de l’évènement, qui en radote du coup quelque peu la doctrine. Entre quelques fulgurances, le découpage semble se faire docile et tautologique, radotant la mise en scène déjà mise en place par le pays (les danseuses célébrant l’arrivée des œuvres dans la rue, la montée des marches d’officiels en beaux costumes), reportant toutes les ambiguïtés politiques de l’évènement sur les épaules de cette longue réunion-débat où les voix discordantes peuvent s’exprimer, plutôt que de laisser ces doutes habiter la mise en scène.

Bref, rempli de talent, et parfois joliment hanté, ce film paraît tout de même souvent trop faible pour tenir la durée.
 

• À noter que la projection a été l’occasion de découvrir, en avant-programme, le court-métrage Atlantique, premier essai précurseur du film homonyme plus tard primé à Cannes. C’est une jolie réussite, où la fiction s’épanouit en forme courte et documentaire, plus allusive, plus ellipsée, et plus implicite.
 
 

Notes

1 • Mati Diop, dans le dossier de presse du film, évoque un tournage qui n’a été possible qu’avec la permission du pouvoir en place : « nous dûmes rendre possible le tournage. (…) Demander au gouvernement béninois (qui est finalement entré en partenariat du film en nous garantissant l’indépendance que nous revendiquions) l’autorisation d’accompagner les œuvres ». Il est permis de douter que cette indépendance, quand bien même elle serait actée sur le papier, soit totalement possible dans le cadre d’un film dont le pays est partenaire.
 

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