Bonnie and Clyde Arthur Penn / 1967

Au cœur des petites bourgades de l’Amérique des années 1930, ravagée par la Grande Dépression, sévit le gang formé par Bonnie Parker et Clyde Barrow, spécialisés dans le braquage de banques…

Quelques spoilers.
 

Bonnie and Clyde m’a presque davantage stimulé en tant que jalon historique, qu’en tant que film tout court.

Je pensais qu’il était considéré comme pionnier du Nouvel Hollywood pour des raisons thématiques – et c’est en partie vrai : le cinéma US reprend ici contact, très visiblement via cette histoire de gangsters des années 30, avec une certaine désillusion typique du pré-code à l’égard du pouvoir et de la loi (le film exprimant maintes fois la complicité des deux criminels avec une Amérique pauvre et populaire, croisée tout au long de leur cavale). J’ai toujours été réticent à la thèse de Thoret selon laquelle le code Hays avait simplement interrompu un mouvement cinématographique plus large commencé dès le parlant en 1930, et repris par le Nouvel Hollywood ensuite ; mais ce film donne incontestablement du crédit à son hypothèse.

Cependant, c’est surtout la manière d’Arthur Penn qui semble ici faire rupture – à l’image de ces meurtres brutaux et soudains (le premier, notamment, est un impact au milieu de la fluide continuité du film), comme autant de déchirures trouvant écho dans les innombrables vitres brisées, leitmotiv visuel des scènes de violence (qui trouveront leur point culminant dans la profanation de ces icônes romantiques, le couple étant sur le tard renvoyé à l’état de corps sanglants).

C’est plus généralement la sécheresse du film qui lui donne des airs résolument modernes : les habits techniques encore impeccables du Hollywood classique tardif, en ces années 60, sont mis au service d’un regard sans affect, sans lyrisme, du générique d’ouverture froid fait de frénésie médiatique (le défilé des photographies), jusqu’à ce final qui se referme sèchement dès que ses héros ne sont plus là pour voir le monde. La romantisation du couple elle-même est une survivance ambiguë de l’âge d’or d’Hollywood, tordue et questionnée, notamment par les difficultés sexuelles de Clyde – qui sont à la fois l’occasion d’une étude psychologique froide (femme frustrée, bandit à la virilité fragile), et un moyen pour le spectateur d’encore temporairement s’identifier aux personnages et à leurs problèmes, de partager leurs peines et leurs joies1.

C’est sur ce point, ce mélange de dialogue et de rupture avec un Hollywood agonisant, que le film me séduit le plus – nous faisant oublier que tout au long de sa course, malgré tout, il nous aura parfois ennuyé.

Bonnie et Clyde en VF.

 
 

Notes

1 • Parmi les éléments semblant ainsi jouer sur les deux tableaux, on peut aussi citer, moins convaincante, cette musique ostentatoire au banjo liée aux scènes de casses, et qu’on ne sait trop comment prendre (joie partagée des hold-up ? Commentaire ironique, qui commence à dérailler quand les personnages sont blessés ?).
 

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