Soudain seuls Thomas Bidegain / 2023

Ben et Laura ont décidé de faire le tour du monde en bateau. Ils font un détour par une île sauvage, près des côtes antarctiques ; mais en pleine exploration, une tempête s’abat sur eux et leur bateau disparaît…

Spoilers.
 

Soudain Seuls se construit sur une brillante idée de pitch : celle de confronter le quotidien du couple au survival, le genre jouant comme révélateur Bergmanien des sales petites vérités crues – mais aussi, d’un même geste, comme le terreau Hollywoodien d’un récit de remariage.

Malheureusement, c’est peine perdue. Sur une mise en scène en zapping, qui survole tout sans rien exprimer, le film nous présente deux personnages immédiatement amers et détestables, un concentré de tout ce que le drame psychologique français a de plus intenable : impossible de s’identifier à leur drame (voire de ne pas secrètement désirer les voir crever sur leur île).

On entend souvent les cinéastes de blockbusters américains nous dire que leur films catastrophe ne parlent au fond que d’histoires intimes, de réconciliations d’un fils avec papa, etc. Et bien le cinéma français, c’est cela : qu’il s’essaie à toute forme d’altérité, jusqu’à celle du cinéma de genre, et il ne saura que la coloniser avec son couple de cinéma d’auteur français typique, macérant entre dépression et remarques passives-agressives, sur un ton gris à se flinguer. On a juste remplacé les moulures des appartements parisiens par les décors (gris, eux aussi) de l’île polaire ; mais sous le costume, c’est toujours la même came.

Tout est-il alors à jeter ? Pas tout à fait. Le film s’essaie à plusieurs ruptures, qui rejettent quelque peu les dés. La première est un rebondissement où se disputent la beauferie et la misanthropie cynique : la jeune femme urbaine, chialant à l’idée de devoir tuer pour sa propre bouffe, voit son Jules terminer des manchots au hachoir, ce qui réveille la flamme et résulte en une scène de sexe passionnée. Sous ses petits airs, la bourgeoise avait besoin d’un mâle, un vrai, semble nous dire le film (qui ne semble même pas ironiser cette situation : il la laisse simplement passer, comme une sorte d’évidence).

Les péripéties ultérieures sont par ailleurs plus digestes : si le couple réconcilié n’est pas moins tête-à-claque que sa version amère, le scénario les malmène alors un peu plus franchement (je t’abandonne, tu m’abandonnes), renouant avec les codes plus purs du survival (la blessure, la traversée), jusqu’à aboutir à ce moment assez parlant où, enfin sauvée, madame n’insiste pas tant que cela à la radio, et met quelques jours avant de se décider à aller sauver son mari agonisant.

« J’avais peur » lui dira-t-elle après-coup, mais force est de constater qu’à ce moment le film respirait un peu – et que comme elle, on était bien tous seuls, peu pressés de réunir à nouveau le couple, ce motif infernal du cinéma français.
 

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