De retour en salles – enfin !
Remercions le réchauffement climatique, qui m’a fait rechercher la clim à tout prix chaque maudit jour de cet été, me redonnant enfin l’habitude de déplacer mes fesses pour aller voir un film.
Peut-être aussi que la qualité générale des films remonte, ou que les nouvelles évolutions du numérique me rendent la projection en salle plus tolérable (je vous en reparle très bientôt)… Quoiqu’il en soit, j’ai pu voir nombre de sorties récentes au cinéma ; et si c’est au final pour moi une année sans immense chef-d’œuvre, elle fut remplie de bons films, que j’ai pour une fois pu essayer en nombre. Avec cela dit un regret profond : celui de n’avoir fait que suivre sagement les consensus critiques (et la sélection cannoise).
2022
Cela fait longtemps en effet que je ne fais plus mes propres découvertes en salles, et que je ne motive que pour des films ayant déjà reçu des concerts de louanges. Le risque de s’emmerder devant un film “sympathique-mais-moyen”, ou devant une œuvre qu’on a le sentiment d’avoir déjà vu cent fois, me semble désormais presque une perspective intolérable, un prix trop cher à payer pour aller jouer aux explorateurs des salles obscures. Quitte à me retrouver dans l’incapacité, au final, de proposer de l’année un palmarès un tant soit peu personnel, ou de découvrir des films plus confidentiels qu’il est plus facile de faire siens. Mon goût, en l’état, ne se forme que par rejet d’une partie des films pré-sélectionnés par les goûts de la critique pointue – me condamnant à ne découvrir le cinéma qu’à travers ses grilles de lecture.
Bref, voici néanmoins les dix films ayant fait mon année, dont quatre adorés (incluant le Park-Chan Wook, grande et inattendue révélation à sa deuxième vision, après une première séance mitigée), le tout à peine trié :
1ex. Il Buco • Michelangelo Frammartino
Bruno Reidal • Vincent Le Port
Licorice Pizza • Paul Thomas Anderson
Decision to Leave • Park Chan-Wook
5ex. Flee • Jonas Poher Rasmussen
EO • Jerzy Skolimowski
Les Travaux et les Jours • Anders Edström, C.W. Winter
Pacifiction • Albert Serra
Armageddon Time • James Gray
Les Amandiers • Valeria Bruni-Tedeschi
À noter que faute de 11ème position, le très prometteur Falcon Lake gratte aux portes de ce top, où il pourrait avoir toute sa place.
On peut rajouter à cette liste quelques œuvres impeccables mais qui m’ont moins marqué à long terme : As Bestas notamment (film impressionnant, mais dont je garde somme toutes un souvenir de contrôle un peu déplaisant), le très bon mais trop attendu Contes du hasard et autres fantaisies, l’agréable et divertissant L’innocent, le très investi Everything Everywhere All at Once, ou encore Coupez !, qui serait bien plus haut s’il n’était pas un remake.
Il faut aussi y rajouter la liste immense de films ratés en salle, même au terme de cette année plus assidue. Des films que j’avais réellement envie d’essayer (Aristocrats, Athena, Bowling Saturne, Vortex, Un monde, Spencer, Petite Nature, Carnets noirs, The Souvenir, How to Save a Dead Friend…), et d’autres qui ressemblaient davantage à une corvée ou à une déception annoncée (RRR, Les Crimes du futur, Leila et ses frères, Chronique d’une liaison passagère, Blonde, The Batman, Enquête sur un scandale d’état, Les Passagers de la nuit, Rien à foutre, Les Cinq Diables, Elvis, Les Pires…) – même si ces pressentiments sont souvent détrompés.
Pas 2022
Et pour ce qui est des films hors actualité ? Ce fut pour moi une année inhabituellement maigre : voir tant de nouveautés en salles m’a laissé moins de temps pour le reste, d’autant que j’en suis arrivé à un stade de quasi-incapacité à lancer un film chez moi (à savoir me couper du net pour plus de deux heures : l’aliénation en marche !).
Les films de patrimoine, je les ai donc cette année pour la plupart découverts en salles, là encore d’abord parce que j’y cherchais le frais au milieu de l’été, avant d’en conserver l’habitude ensuite (la salle offre par ailleurs un avantage de taille : enfermé dedans, on ne peut pas faire pause).
Mais cela n’est pas sans poser problèmes : tributaire des salles du quartier latin et d’ailleurs, quand bien même elles ont souvent bon goût (là n’est pas la question), je me suis aussi fatalement retrouvé tributaire de leur vision du cinéma. Et en regardant ma liste des films anciens vus cette année, je ne peux que constater qu’elle épouse l’extrême normativité de la cinéphilie nationale. Soit principalement des films allant des années 40 à 80, pour l’immense majorité fictionnels et narratifs (peu d’animation, de documentaire, d’expérimental ou de cinéma radical…), et grosso-modo issus des quatre même pays (USA, France, Japon, Italie) qui semblent à eux seuls résumer la planète cinéma (à quelques exceptions égarées çà et là qui font excuse : un Tsai-Ming Liang taïwanais par-là, un thriller coréen ici). Quant aux plus de trente ans de cinéma muet, sans la formidable fondation Pathé-Seydoux, je n’en aurais probablement vu aucun.
Voici donc sept films majeurs qu’il me reste de cette petite année, décidemment marquée par un Park Chan-Wook que j’avais un peu trop rapidement rangé dans la case des petits malins (vous remarquerez par ailleurs ma manie de vous offrir des prétendants de tête menacés à l’image par une arme).
1. Joint Security Area
Park Chan-wook / 2000
2. Plein soleil
René Clément / 1960
3. Nous nous somme tant aimés
Ettore Scola / 1974
4. La Grande Parade • La Bohème
King Vidor / 1925-1926
5. Prisoners
Denis Villeneuve / 2013
6. Seuls les anges ont des ailes
Howard Hawks / 1939
7. Tempête sur l’Asie
Vsevolod Poudovkine / 1928
Plein de films intéressants traînent pas loin derrière : The Card Counter, Tender Mercies, L’affaire Cicéron, Écrits sur du vent, Magnetic Rose (le premier segment de Memories), le Luca de Pixar, ou encore Dellamorte Dellamore. Les films de la World Cinema Fundation, sans m’avoir plu à la folie, m’ont également offert des expériences rafraîchissantes. Mais globalement, ça reste une toute petite année.
2010’s
Enfin, ayant effectué la plupart des rattrapages qui me manquaient pour la période, et ayant un peu fait la paix avec cette décennie honnie où rien ne me parlait en salle (et aussi parce qu’il n’y jamais “trop de tops”), je peux aujourd’hui vous présenter sans ordres douze films ou cinéastes (+ un épisode de série) qui font que ces années 2010, malgré tout, valurent vraiment le coup d’être traversées par un cinéphile :
+
• The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson, 2014)
• Diane Wellington (Arnaud Des Pallières, 2010)
• Wonderstruck (Todd Haynes, 2017)
• Le cinéma de Ryūsuke Hamaguchi (Senses, Heaven Is Still Far Away , Asako I & II)
• Un jour dans la vie de Billy Lynn (Ang Lee, 2016)
• Le cinéma de Kelly Reichardt (Night Moves, Certaines femmes)
• Le Marin masqué (Sophie Letourneur, 2011)
• The Tree of Life (Terrence Malick, 2011)
• Oncle Boonmee (Apichatpong Weerasethakul, 2010)
• Plaire, aimer et courir vite (Christophe Honoré, 2018)
• Inherent Vice (Paul Thomas Anderson, 2014)
+ A Scandal in Belgravia (Steven Moffat / Paul McGuigan, 2012)
Là encore, pas mal de films marquants courent non loin derrière cette liste, qu’ils soient stimulants mais imparfaits (Patema et le monde inversé, Post Tenebras Lux, Agora, A Dangerous Method, Bright Star, Personal Shopper… tous inégaux mais très inspirants pour moi), ou qu’ils soient plus objectivement impeccables (Keep the Lights On, X-Men : Days of Future Past, Manchester by the Sea, A Single Man, Drive, Il était temps, La Chambre Bleue, Nostalgie de la lumière…).
Je ne peux que noter la rareté ici de tout ce qui n’est ni Européen ni États-Unien, et la totale absence de films Indiens, Africains, ou Sud-Américains (à une mention près). Le signe d’une cinéphilie encore trop dans ses chaussons, et dont le vieillissement progressif n’annonce rien de bon sur ce plan là (je me surprends, devant un film, à chercher de plus en plus le confort). On verra bien !
Comme chaque année, enfin, un grand merci à celles et ceux qui suivent ce blog – blog qui me sort de plus ne plus par les trous de nez, pour tout dire (ces brouillons multiples à réviser et améliorer, quel enfer…), mais qui reste par défaut l’endroit où parler des films, faute d’espace de discussion pour moi plus adapté.
Bonne année tout le monde !
Hello hello et bonne année :)
Je regarde simplement 2022 et trouve 4 films vus dans ta liste, Licorice, Eo, Pacifiction et Armaggedon time. J’aurais d’ailleurs bien aimé te lire sur Pacficition, film dont je ne parviens toujours pas à me sortir, non qu’il me hante particulièrement mais il m’intrigue et je ne sais trop quoi en faire. La dernière séquence m’a paru une facilité, trip pseudo-sensoriel vu ailleurs et pas assez radical si elle se veut telle. D’un autre côté, cette dernière séquence, j’ai l’impression qu’on pourrait lui faire dire beaucoup aussi, laissant le trip de côté et cherchant au contraire à lui donner du sens. Tout ce qui précède appartient mes yeux au domaine de l’inédit, propos et manière, et donc est assez enthousiasmant pour cela.
Des films que tu cites je n’ai absolument pas entendu parler de Il Buco de Michelangelo Frammartino. Et je m’en méfie mais suis curieux du Park Chan-Wook.
Hello !
J’écrirai une patouille sur Pacifiction tantôt, mais j’en ai franchement rien de plus à dire de spécial que ce que la plupart des gens en ont pensé (même si comme toi je suis moins fan de la fin, disons toute la partie finale à partir de la boîte).
Park Chan-Wook c’est particulier : je n’avais pas été tout à fait convaincu en le voyant (du mal à connecter émotionnellement), et c’est pas revisions successives (sans l’avoir cherché, au boulot) que le film a dévoilé toutes ses richesses pour moi. En tout cas ça a, comme Mademoiselle (mais qui avait pour moi d’autres problèmes), l’intérêt de le voir s’atteler à un exercice de virtuosité qui n’en passe pas par la violence.
Il Buco c’est un pur (et heureux) hasard, je ne connaissais rien du réal. À voir sur grand écran cela dit, je pense.
Je viens de voir ton top du coup ! J’aurais du essayer la Pariser malgré les mauvaises critiques, car il me faisait envie. Et surpris par le Robert Guédiguian (pas vu), passé inaperçu, et par le Sam Raimi (itou), mais c’est cool, ça change un peu de tout ce qu’on a vu passer ces dernières semaines !
Inherent Vice je suis passé à côté. Je devais en attendre trop.
Content de voir dans les autres films retenus, le chef d’œuvre de Park Chan-Wook qu’est JSA (sans esbroufe ni lourdeur qui caractérisent tous les films suivants).
Et Tree of life et Boonmee : quels rattrapages ! De superbes films. 2022 sur écran a du te paraître magique. Elle l’aura été forcément plus qu’en vrai…
Enfin, heureux de voir aussi Reichardt sur cette page.
J’ai l’éléphant chinois sur galette pour lequel il faut que je me décide un jour.
Ha il y a malentendu, ce ne sont pas juste les rattrapages sur la fin, juste le top des années 2010 dans leur entier !
C’est moi qui sais pas lire.^^