Légers spoilers.
Monsieur Merci est un film de voyage – une constante, semble-t-il, dans le cinéma de Shimizu. On y retrouve également cette dimension de film “sage”, comme on le dirait d’un enfant gentil et bien élevé, qui se retrouvera quelques années plus tard dans Les Enfants de la ruche et sa bande de gamins à éduquer. M. Merci dit des politesses à chaque passant, transmet volontiers les messages, est un bon conducteur (on insiste très souvent dessus), et se montre civil avec tous ses passagers, même les plus discourtois. Cela donne à l’ensemble un côté un peu rond, un peu “chou” (jusqu’à cette musique sautillante un peu pénible), qui fait du film un véhicule bizarre à propulser dans le Japon des années 30 – puisqu’il s’agit d’abord, ici, de faire la radiographie d’un pays en crise économique.
C’est deux fois que le Japon est présent : déjà dans le mini-bus de M. Merci, microcosme de société amené à dialoguer ensemble, un peu à la manière du futur Stagecoach ; mais aussi dans cette société néoréaliste croisée tout au long du chemin, chaque habitant (et avec lui chaque visage de la société, chaque âge, chaque métier) passant à la même moulinette formelle, au même régime égalitaire lorsque le bus les dépasse sur la route : une vue de dos (à l’avant du bus), puis de face (à l’arrière du véhicule), duo de plans répété pour chacun à l’identique avec un entêtement patient et maniaque, comme si le film les assimilait ainsi un à un, bien décidé à faire du pays un inventaire total et sans tri. La moitié du film consiste en cela, en ces plans du Japon sur les routes – et quand l’un des voyageurs quitte le microcosme du mini-bus et de sa mini-société, il semble alors comme relancé sur les chemins, petite figure qui déjà rétrécit dans le rétroviseur, renvoyé au pays, réintégré dans la ronde.
Le film a une certaine force à être si “petit” et “gentil” pour s’attaquer à ce grand recensement. C’est quelque chose qui se retrouve dans son conflit de ton même : les petits échanges taquins internes au bus, ou la musique guillerette, transportent avec eux une situation sordide (tout ce joyeux voyage amenant une gamine vers son destin de prostituée). Ce contraste est bien la seule chose qui offre un peu de tension au film qui, s’il bénéficie de l’habituelle beauté du regard de Shimizu, a bien du mal cette fois à en sortir une œuvre concluante. Les échanges sont trop banals, les personnages effleurés et l’humour trop médiocre, le parlant tout neuf encore mal maîtrisé et l’aventure trop courte, pour qu’un sentiment véritablement ample puisse émerger de cette aventure miniature.
Arigatō-san en VO.