Légers spoilers.
Ce curieux blockbuster confirme que Gareth Edwards est l’un de seuls vrais cinéastes à avoir émergé de la débâcle Hollywoodienne des années 2010. L’un des seuls, en tout cas, à être travaillé par une vision : conflits d’échelles et gigantisme, décors qui se meuvent face aux humains réduits à l’état d’insectes. Plus encore que dans le film originel d’Honda, les monstres ici sont indissociables de la nuit, des fumées, de la chose à peine entrevue, entraperçue, comme autant de souvenirs traumatiques, toujours laissés dans leur brume quelque peu taboue (même le Godzilla enfin visible du final, couché en plein jour, vient se confondre avec les débris grisâtres des immeubles).
Reste cependant encore et toujours cette question : comment faire de ces visions un film ? Le facteur humain manque une fois de plus désespérément à l’appel, de manière d’autant plus gênante ici qu’Edwards court après des archétypes censés nous émouvoir (famille séparée, sens du sacrifice) qui ne font que surligner le vide. Quand les rapports humains sont pris dans de pures configurations d’espace et de désastre (Binoche vivant la chute de la centrale de l’intérieur de son couloir, le gamin anonyme à protéger dans le métro…), ils fonctionnent immédiatement mieux, en ce qu’ils servent alors uniquement ce qui intéresse le film, à savoir la catastrophe (de la même façon que Rogue One fonctionnait davantage, sur ce plan, parce que le scénario renvoyait ses personnages sacrifiés au statut de déchets de l’histoire, de données littéralement oubliables).
On lit souvent qu’Edwards devrait travailler ses scénarios, mais il ferait mieux d’assumer le statut de spectateur de ses personnages, de se contenter de situations mettant en scène leur impuissance, plutôt que de les montrer s’agiter à vide dans des péripéties dont sa caméra n’a manifestement rien à foutre – le signe le plus parlant étant que ces personnages n’ont aucun pouvoir sur les évènements (voir combien le film tente laborieusement de justifier, à chaque étape, la présence et l’utilité d’un héros qui ne sert littéralement à rien). Bref, le film devrait s’occuper à ronger le seul os qui le préoccupe vraiment : l’apocalypse.
L’Apocalypse, elle est peut-être davantage pour Godzilla 2. Ton article pourrait d’ailleurs aussi en grande partie convenir à cette suite, très sombre. Du coup, je me demande si Gareth Edwards a pu avoir quelque initiative. C’est vrai que Rogue one (que j’avais beaucoup aimé) et celui-ci entretiennent une vue commune, une atmosphère qui rappelle à l’humain ô combien il est mortel, mais est-ce que cela correspond vraiment à la personnalité ou à un trait du réalisateur…
J’ai hésite à aller voir 2, justement, pensant y voir une reprise moins inspirée des canons posés par Edwards. Ça reste l’un des seuls blockbusters 2019 qui me rend un poil curieux…
Pour Edwards, j’ai pas encore vu son premier film, mais ça me semble flagrant – dans les deux films, ce sont ces passages (“combien l’humain est mortel”, c’est tout à fait ça !) qui me sautent aux yeux – une saisissement qui est justement le grande absent du blockbuster hollywoodien 2010′, qui compense souvent en orgie SFX et en sur-visibilité ce qu’il ne sait plus suggérer de grand ou d’immense… A voir son prochain pour confirmer ça, mais j’ai confiance !
Tu m’incites à réévaluer…