Faute de textes, faisons des listes ! Un rapide retour sur ma maigre année 2018, au moment-même où une curieuse frénésie boulimique (un film par soir, on se croirait redevenu ado ma bonne dame) m’assure déjà de quoi remplir trois tops l’an prochain…
2018
Comme un invalide réapprenant tant bien que mal à marcher, je retrouve progressivement un goût sincère du cinéma en salle, avec lequel j’avais plus ou moins perdu contact. La découverte d’un tout nouveau réalisateur (Hamaguchi), promis à un brillant avenir, m’aide un peu à tourner le regard vers le futur.
Timidement, j’ai donc au moins trois incontestables grands films à défendre cette année ; les trois suivants m’ont indéniablement impressionné ou intrigué, à défaut de tout à fait me convaincre ; et les trois derniers sont d’honnêtes films accomplis, qui furent l’occasion de très agréables séances, et devant lesquels je ressens au moins une franchise, un rapport direct au plaisir et au spectateur, chose devenue rare devant tant de films saturés d’une sur-conscience du statut d’auteur à tenir (Roma, sur lequel je reviendrai, en étant l’exemple le plus frappant).
1. Senses
Ryusuke Hamaguchi
2. Plaire, aimer et courir vite
Christophe Honoré
3. First Man
Damien Chazelle
4. Phantom Thread (Paul Thomas Anderson)
5. Mektoub, my love : canto uno (Abdellatif Kechiche)
6. Heureux comme Lazzaro (Alice Rohrwacher)
7. Une affaire de famille (Hirokazu Kore-eda)
8. En Liberté ! (Pierre Salvadori)
9. Mission Impossible – Fallout (Christopher McQuarrie)
Je me demande évidemment ce que le support filmique, mon grand drame de la décennie, à avoir avec ce classement, qui compte tout de même 5 films en pellicule (ce qui est totalement non représentatif de la production actuelle), et dont les deux films numériques les plus haut placés (Senses et Mektoub my love) ont une mise en scène fondée sur la captation et la performance – l’une des seules approches du réel que la frontalité crue du numérique (au rendu carrément brutal, dans le film d’Hamaguchi) ne gêne aucunement, voire encourage.
Il faut évidemment encore, à cette liste, rajouter celle des films qu’il me reste à rattraper : Battleship Island, Spider-Man New Generation, The House That Jack Built, Pupille, The Rider, Hérédité, Les bonnes manières, Call Me By Your Name et Suspiria…
Hors 2018
Du côté des découvertes, ce fut une année relativement maigre, du fait de mon rattrapage de l’intégrale Twin Peaks (j’y reviens bientôt) qui a occupé toutes mes soirées d’automne. Pour le reste, je constate à regret que ce n’est pas la curiosité géographique qui me démange (je compte sur les doigts d’une main les films non-occidentaux vus cette année), même si ce recentrage m’a permis de rattraper quelques grands classiques longtemps délaissés (les film de Spike Lee, Bergman, Rohmer, McCarey) – question confort, c’est quand même autre chose que d’aller chercher du cinéma ouzbèque des années 20 à l’aveugle, juste parce qu’on en a trouvé une copie perdue sur le net, en croisant les doigts pour que ce ne soit pas à mourir d’ennui… Que voulez-vous, on s’embourgeoise.
Comme souvent, ces dix films relèvent moins de la hiérarchie que de la palette de couleurs, d’un aperçu de ce qui a marqué mon année cinéma (un paysage de films plutôt droits et austères au final, même si le genre y est souvent latent). Et encore une fois, le gagnant est le film qui a bousculé mes aprioris – en l’occurrence sur un certain type de cinéma, appelons-le académique, qui recèle visiblement bien plus de puissance et de secrets que sa tranquille surface ne le laisse paraître (ou, pour être plus précis : dont toutes les étrangetés résident justement à même la surface, dans le charme de ces manières sages et tenues). S’y ajoutent les surprises sorties de nulle part (le film de Sam Taylor), des coups de foudre pour une manière (Lucrecia Martel), du plaisir coupable (Pakula), et le résultat d’une chasse au trésor m’ayant obsédé des jours entiers (le film Gaumont). Le reste se résume en classiques venant tranquillement valider leur légitimité à squatter les bouquins d’histoire du ciné…
1. Maurice
James Ivory / 1987
2. Exit Smiling
Sam Taylor / 1926
3. Do The Right Thing
Spike Lee / 1989
4. Sonate d’Automne
Ingmar Bergman / 1978
5. Le Rayon vert
Éric Rohmer / 1986
6. Twin Peaks (saison 1 & 2)
David Lynch et Mark Frost / 1990-91
7. Elle et lui
Leo McCarey / 1939
8. Le cinéma de Lucrecia Martel
(La Ciénaga, La Niña Santa, La Femme sans tête / 2001-2009)
9. Klute
Alan J. Pakula / 1972
10. Danse serpentine
Anonyme (Gaumont) / 1900
Plusieurs titres se trouvent non loin derrière (Je ne voudrais pas être un homme et Certain Women, notamment), films qui pour beaucoup m’ont touché, dont des scènes me restent, mais que je trouve trop inégaux (Memories of Murder, Morocco, Les Désarrois de l’élève Toerless, Les producteurs…).
À noter enfin que si The Last Airbender, la premier volet de la série Avatar à laquelle j’ai consacré un article cette année, ne se retrouve pas dans ce top, c’est simplement parce sa découverte remonte à il y a déjà sept ans. Cela reste l’une de mes plus belles émotions “cinéma” de la dernière décennie, et je ne peux que vous conseiller d’aller vous y plonger à votre tour !
Pour le reste, c’est reparti pour un an, forcément moins dense en articles tant que Cinexploria (le coquinou petit nom du site aux extraits, désormais ouvert aux moteurs de recherche) tiendra debout. Un grand merci en tout cas à ceux qui ont eu la patience de lire mes pavés moyennement digestes une année de plus, et de poser un commentaire ! Et sur ce je vous laisse, je pars entamer mes rattrapages pour pouvoir établir un top des années 2010 un tant soit peu crédible à la même date l’an prochain…
Il n’y a plus de films comme ceux que faisait James Ivory aujourd’hui. Ou quand ils existent ils sont rapiécés. Peut-être trouver une consolation chez Jane Campion (quand elle ne va pas se fourvoyer dans la série).
Content de trouver le Salvadori parmi le meilleur de l’année. Film extraordinaire s’il en est !
Oui, c’est marrant, devant le film d’Ivory je m’étais fait la réflexion : cette manière de faire du cinéma est perdue. Ce qui n’est pas grave (ce qui lui a succédé n’est pas mieux ou moins bien), mais ça m’avait frappé. L’exacte même sensation en voyant du Sautet, d’ailleurs.
Et Salvadori, mon enthousiaste reste modéré. Mais c’est impeccable. Je crois que j’ai surtout essayé de conserver, pour ces derniers films, ceux qui ont un souci honnête du spectateur.