Spetters

Spetters Paul Verhoeven / 1980

Les destins de Reen, Eef et Hans, trois amis d’enfance et inconditionnels de moto-cross qui aimeront la même femme, la plantureuse Fientje.

 

Spetters se présente d’abord comme l’un de ces films générationnels guère motivants, qui fleurissent sur nos écrans tous les 20 ans (remise à jour des représentations de la jeunesse, mise en scène de leurs nouveaux hobbys, prise de tempo de leur rythme et de leurs musiques, état des lieux du pays). Et ce film est en partie cela, même s’il se démarque du tout-venant en assumant jusqu’au bout ses désirs de frontalité. Déjà dans ce film de Verhoeven, la sexualité est moins une provocation qu’un non-évènement : filmée comme n’importe quoi d’autre, chair lambda sans élans romantique ni complaisance sordide, dans une indifférence royale qui fut sans doute l’objet profond du tollé que rencontra le film à sa sortie. S’il est bien anecdotique dans les faits (quelques sexes montrés tout au plus), ce traitement de la sexualité est symptomatique d’un film peu aimable qui, dans son portrait de la jeunesse, refuse à la fois la logique du cache-sexe (la construction érotique, la décence, la distance préoccupée) comme celle de la focalisation (la sidération, le choc, le scandale) : qui refuse tout effet de séduction, en somme, pour aller au bout de son projet de mise à plat.

On pensera ce qu’on veut de l’ambition naturaliste à l’œuvre, et de son inévitable sociologie (destins déterminés avec panel trois exemples, chute relative à l’ambition de chacun, sexualité révélée par le viol, et autres cas discutables). On passera outre cette grossièreté, car le film ne se complaît pas dans la fixité déprimée du tableau social : il dessine une longue évolution à chacun de ses personnages, dont les trajets disparates (vers la mort, vers l’accomplissement, vers la révélation de soi) se croisent et se recroisent, tissant un ensemble multi-tonal étonnamment riche. Spetters transcende progressivement le portrait figé d’une génération, pour se faire tourbillon de destins entrechoqués : une dimension romanesque inattendue naît du réel ingrat, dopée par le vitalisme culotté propre aux jeunes filmographies, et même les mornes destins sociaux tout tracés se font fatalité de tragédie (surprenante scène aux oranges).

La bienveillance, totalement absente du regard du cinéaste (volontiers brutal, laid, satirique), vient alors se loger dans la nature même du projet : faire fleurir sur le terreau gris d’une jeunesse méprisée, et d’une classe prolétaire condamnée au train-train quotidien, les puissances généreuses de la fresque.

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